LyonSainteLyonTrois semaines seulement après L’alpin Trail de Pichauris, un ultra trail de 109km pour 5650mD+, me voilà déjà sur un tout nouveau défi de taille… La LyonSaintéLyon !!

                 La LyonSaintéLyon, c’est un ultra trail de 152km pour 4300mD+, un tout nouveau format de course grandeur nature de la célébrissime SaintéLyon. Communément appelée la doyenne, la SaintéLyon est la plus ancienne course de trail running de France. Avec ses 66 éditions, elle est une référence dans le milieu et est devenue au fil des ans une véritable institution. Fort de ses 17 000 participants cette année, elle est connue et reconnue par son parcours et ses conditions toujours très difficiles (nocturne, neige, glace, froid, pluie, boue...).

                …Petit retour en arrière pour comprendre le phénomène. En 2003, une petite poignée d’ultrafondus originaires de Lyon se sont amusés à rejoindre Saint-Etienne pour prendre le départ de la SaintéLyon en partant à pieds de chez eux… Le concept de la LyonSaintéLyon est né ! En 2009, une association sportive reprenait l’idée pendant 10 ans à travers la « 180 », une organisation OFF ouverte à un cercle très fermé de 20 coureurs triés sur le volet. L’année 2019 marque la fin de la « 180 » pour une véritable compétition officielle… La LyonSaintéLyon ,1ère édition du nom !! Le principe est donc le suivant… partir de Lyon pour rejoindre Saint-Etienne et réaliser le parcours dans l’autre sens en même temps que les coureurs de la SaintéLyon…une belle boucle de 2x 76 km pour 2x plus de plaisirs !!

                Vendredi midi, mon arrivée en gare TGV Lyon Saint-Exupéry est imminente. Plongé dans mes pensées tout au long du trajet, je me refaits la course de l’an dernier dans ma tête… La SaintéLyon 2018, c’était un sacré moment, une expérience unique dans ma petite vie de coureur juvénile… 81km incroyables, plongé dans une nuit sombre, la pluie, la boue, ce fantastique serpent de lumière avançant derrière moi… une aventure folle !! Je m’en souviens comme si c’était hier !! Le fait de revenir ici un an plus tard, c’est un peu comme si le temps s’était arrêté et que rien ne s’était passé depuis… Je me sens bien, serein, détendu et excité à l’idée de remettre le couvert !!

                Une fois arrivé à quai, je prends le TER, puis le métro pour rejoindre mon hôtel. Arrivé dans ma chambre, je dépose mes affaires et me rends sans plus attendre à la halle Tony Garnier à 10min de là pour manger un bout et récupérer mon précieux* !! ( *: Mon précieux = mon dossard).

                Là-bas, le traditionnel salon du trail running où exposants et organisateurs viennent promouvoir et commercialiser leurs produits… ça tombe bien aujourd’hui, c’est Black Friday !! Le terrain s’annonce gras et je n’ai que des chaussures adaptées à mes belles collines provençales… ici, je devrais donc trouver chaussure à mon pied et pour pas cher en plus… c’est Black Friday !!! …Tu parles, même à « la halle aux chaussures » ou chez « Atout Cuir » j’aurais eu plus de choix tout à l’heure !! Et pour moins cher certainement !!! Bon ben la messe est dite, c’est la black grotte !! Je suis bon pour aller chercher une paire de chaussures en galère dans un magasin spécialisé au centre-ville !! Mais avant cela, je prends quelques photos de l’arche d’arrivée (…ou de départ c’est vous qui voyez LOL) et récupère mon sac coureur. Je m’arrête quelques instants sur 2-3 stands de courses intéressantes et y inscrit mon nom pour tenter de gagner un dossard gratuit pour 2020 (… je ne gagne jamais au tirage au sort, mais je tente quand même !!). 1h plus tard, je me retrouve au Vieux Campeur en plein centre de Lyon en train d’acheter une paire de pompes… 30% sur des Scott Ultra RC ?!? Whouuu !! J’achète !! Retour à l’hôtel en début de soirée pour me reposer et régler les derniers préparatifs d’avant course. Tout est prêt, un bon plat de pâtes, un petit suppo et au lit. LOL

                8h00, le réveil sonne, c’est le jour J… je me lève avec plein d’envie et la barre au front ! Pas de panique, je me dis que je vais en chier pendant 2 jours et avoir mal de partout de toute façon, alors cette petite migraine passagère ne peut pas me déstabiliser. Je m’habille rapidement et descends déjeuner. 20min plus tard, je quitte l’hôtel en direction de la hall Garnier et retrouve Jérôme mon cousin. Il court ce soir la SaintéLyon et est venu m’encourager pour le départ. Quelques mots rapides échangés avec lui, une virile accolade de bonhommes pour se donner des forces (…ou pour simplement se dire adieux ! LOL). Bientôt le départ !! Je le laisse devant la barrière et m’approches de cette superbe arche lumineuse… nous sommes 300 dossards jaunes postés là devant elle. Il règne comme une bonne ambiance de fête... Des sourires, cette salle immense, l’adrénaline qui monte en flèche, ça y est on y est !! je profite de cet instant, je suis heureux d’être là, je me sens comme un privilégié !!

                9h30 !! Le départ est donné, du bruit, des applaudissements, un dernier regard sur cette belle arche violette, on la contemple, on lui parle même comme si c’était une amie à qui on voulait dire au revoir… demain je repasserais dessous quoiqu’il arrive !! Les 1er kilomètres sont assez particuliers à courir, je reconnais le parcours pour l’avoir fait l’an dernier et c’est assez amusant de voir le paysage défiler dans l’autre sens… rapidement nous quittons Lyon et son bitume pour des sentiers forestiers. Il fait plutôt bon, le ciel est légèrement voilé, des conditions fort agréables en perspectives.

                Après 22km, nous voilà déjà à Soucieu en Jarrest au 1er ravito, il est 12h15, j’ai raté l’apéro d’une heure, mais tout va bien le pastis attendra !! J’adopte un rythme assez léger, tranquille afin de garder un maximum de jus pour le retour. L’aller n’est pas chronométré, mais il ne faut pas s’endormir pour autant, car nous devons passer 3 barrières horaires. J’ai 13h maximum pour me rendre à Saint-Etienne et valider mon aller. L’an dernier pour 5km de plus j’avais mis 10h30, donc 13h, ça semble large !! Les kilomètres défilent les uns après les autres, je suis dans ma bulle, je ne pense à rien. La musique dans les oreilles, je laisse Armin Van Buuren prendre le contrôle des opérations, c’est lui qui gère mon allure et qui me donne le tempo. Mon esprit n’est pas du tout focalisé sur la gestion de course, je suis dans le lâché prise le plus complet… tout est assez simple, c'est fluide, je nage dans le plaisir !! J’apprécie le paysage, ces petits villages, ces longues prairies verdoyantes à perte de vue sur lesquelles broutent vaches et chevaux ! Notre chemin traverse un bon nombre de fermes et d’exploitations agricoles qui sentent bon le terroir… ça sent le fumier !! ça sent la bouse de vache !! ça sent la France profonde et la transpiration du gars devant moi… ça pue !!! Mais c’est aussi ça la SaintéLyon !!!! LOL

                Il est presque 16h, j’arrive au 2ième ravito au km 42, il en reste 30 avant Saint-Etienne. Je prends le temps de m’alimenter… il y a de la rosette et de la soupe de légumes, je choisi la rosette !! De la tuerie… J’en prends une bonne poignée et mets tout ça, avec énormément de délicatesse, dans l’élastique de mon short avec quelques bons gros morceaux de gruyère !! Rosette, Gruyère et Coca… le super carburant qui s’est naturellement imposé à moi lors de cette LyonSaintéLyon, laissant sur le carreau mon plan énergétique, hautement élaboré, mis en place la veille au soir. Exit donc le Maurten, les barres Aptonia et les compotes Ergysport !! Place à la bonne bouffe pour une course de Ouf !!! Allez sortez-moi le pâté en croûte et les rillettes Bordeaux Chesnel !! J’ai une dérogation de mon estomac aujourd’hui, j’ai droit à tout !!! LOL

                La course continue tambours battants, je commence à ressentir peu à peu de petites douleurs aux genoux et à la cheville droite. Les petits bobos de Pichauris refont doucement surface… c’est quelque chose que j’avais forcement prévu, je savais qu’à un moment ou à un autre cela allait arriver… A moins de s’appeler Luca Papi, 2 ultras en moins d’un mois ça ne se fait pas comme ça sans aucune douleur !! (Et oui la gourmandise est un vilain défaut…). Je gère alors mon allure, alterne course et marche rapide pour ne pas aggraver les choses. Sur le bitume, je marche un peu plus, je choisi bien les endroits où poser mes pieds en recherchant un sol plus souple (moins contraignant pour les articulations).

                La nuit commence à tomber, nous allumons nos lampes juste avant d’arriver à Saint-Christo au km 60. Dans 16km, nous arrivons à Sainté, de grosses nappes de brouillard nous rendent la tâche difficile, on ne voit pas à 1 mètre devant nous. Le faisceau de ma lampe restreint considérablement ma visibilité. Pour avancer j’éclaires mes pieds, ils vont là où ils vont… par moment je suis incapable de savoir si je marche sur du goudron ou sur de la terre… J’arrive plus ou moins à capter l’information grâce au son que font les pointes de mes bâtons lorsqu’elles rentrent en contact avec le sol. La température a sacrement baissée, il commence à faire froid, le genou droit me fait de plus en plus mal, je serre les dents… les lumières de Saint-Etienne se rapprochent petit à petit. Ici comme aux abords de Lyon… je reconnais le parcours et des endroits qui me sont familiers. Je m'y revois un an plus tôt… C’est magique, car au fur et à mesure que j’approche de Sainté, mon subconscient sait ce qu’il va y avoir après cette forêt ou après le virage qui suit alors que je ne suis pas du tout du coin !! Et justement après ce virage, voilà le bitume qui marque enfin mon entrée dans la civilisation stéphanoise… une longue ligne droite et tout au bout, l’arche d’arrivée (...ou de départ c’est vous qui voyez ! LOL). Il est 21h00, je termine ma LyonSaintEtienne en 11h26 !!

                Je suis donc à mi-parcours. Je rentre dans le parc des expositions plutôt bien physiquement… les genoux et la cheville grincent un peu, mais le moral et mon état global sont plutôt bon. Des douches sont à dispositions, je vais me laver (« … Oooh pute borgne !! Mais qui a vidé le ballon d’eau chaude ?!? L’eau est glacée !!! ») L’eau est glacée, mais ça fait du bien de se sentir propre malgré tout… Je mets des vêtements chauds car les conditions de cette nuit s’annoncent bien différentes. Avant d’aller manger, je passe chez l’osthéo pour quelques soins rapides… je regardes l’heure, le timing est serré, je ne vais pas avoir le temps de me reposer, le départ est pour bientôt. Je mange, prépares mon sac pour le retour et file déterminé jusqu’à la ligne de départ. Horreur !!! 23h30, le départ des élites est lancé et je suis loin du sas d’entrée… je me dis alors que je partirais dans la vague suivante. Un monde incroyable attend, l’arche de départ est hyper loin (« … Mais à quelle heure je vais partir ?!? »). Vu l’heure, mon cousin a pris le départ depuis bien longtemps, je ne pourrais donc pas tenter le retour avec lui… autour de moi que des dossards bleus (Coureurs du 76km) pas un seul jaune !! (« … Je vais vraiment partir dernier c’est pas possible !! »).

                Je parts à 00h20… en dernière vague ! La loose !! Je m’en veux un peu…la douche glacée, c’était vraiment de la luxure… je n’aurais pas dû, ça m’a mis dedans côté timing !! Tant pis de tout façon c’est ainsi, la course reprend. La machine est toute déglinguée et a du mal à redémarrer… la course est douloureuse dès les 1ere foulées. Je me fais doubler par Riri, Fifi et Loulou et ça va durer un petit moment comme ça… j’observes la scène en spectateur… « Dossard bleu, dossard bleu, dossard bleu… ». Chacun sa course, mais c’est vrai que ça fait mal au cœur de se faire cramer comme ça à tout va !! J’ai 76 bornes dans les pattes… mais j’ai cet avantage sur eux, c’est que moi je ne suis pas au début de la course, j’en suis à la moitié… alors je me dis que ça sera moins long pour moi que pour eux !! LOL

                10min seulement après le départ, la pluie tombe d’une traite !! On se croirait dans Bienvenue Chez Les Cht’is… Juste après le panneau Saint-Etienne (barré)… le déluge !! Comme disait notre ami Galabru… C’est le noorrrd !! LOL. Petit à petit, les jambes et les articulations se déverrouillent, ça fait toujours mal mais ça ne grince plus. Le profil de course du retour est plutôt montant jusqu’au 100ième km, c’est donc une bonne chose, car en ce moment je me sens plus à l’aise en montée. L’ascension jusqu’à Saint-Christo en Jarez se fait doucement mais surement. Je double pas mal de coureurs, mais aucun jaune dans le viseur (« …Mais où sont-ils tous passés ? »). Pendant ce temps-là, la pluie battante ne cesse de croitre, le terrain est saccagé, de la boue partout… le parcours n’est plus du tout le même qu’à l’aller, il est méconnaissable… les chemins sont devenu des rivières par endroit, la terre n’est plus en capacité d’absorber l’eau, les sentiers sont imbibés. Des flaques d’eau immenses envahissent les chemins, nous obligeant à les traverser de front… certains passages sont si boueux que l’on en arrive à s’enfoncer jusqu’aux genoux. Ce n’est plus du tout un aller-retour sur Lyon, c’est un aller simple en enfer… Le bon Dieu ne nous aime pas ce soir, quelqu’un de la course a dû l’offenser… Ces pluies diluviennes transpercent les équipements de pluie les plus pointus… je suis littéralement trempé jusqu’aux os. Des conditions dantesques semblables à l’an dernier, mais en 3 fois pire !! Plus de pluie, plus de boue et un froid glacial qui fait petit à petit de nous ses proies au fil des kilomètres parcourus. La fatigue s’installe, ça se complique sérieusement, il m’est impossible de relancer, j’avance difficilement. Le froid me pénètre à travers les gants, ils sont trempés… je cherches désespérément de me réchauffer les mains en les plaçant derrière mon dos. A cet instant, le moral est au plus bas, je pense à ma femme et mes enfants pour me maintenir à flot. Je ressens clairement que ma température corporelle est en train de baisser, je ressens le froid en profondeur… je songe un instant à sortir ma couverture de survie comme un bon nombre de personne, puis me ravise. Je n’ai jamais été exposé à pareilles conditions lors d’une course… Est-ce que la seule volonté d’aller au bout peut suffire en pareilles circonstances ? Est-ce que mon corps va tenir le coup s’il continu de se refroidir inlassablement ? Le sommeil s’invite soudainement à la fête sans même avoir été invité !! Je dormirais bien 5min, mais je ne peux pas me coucher par terre… il pleut, le sol est mouillé et il est gorgé de boue. Je dois donc poursuivre mon avancée en luttant contre les éléments et le sommeil. J’avance vidé de toutes pensées, en suivant ce petit cercle de lumière devant moi (celui de ma lampe), il a un temps d’avance sur chacun de mes pas, je cherche désespérément à l’attraper… il me tire, me fait avancer. Je suis seul en pleine forêt, personne devant, personne derrière… il se passe quelque chose d’anormale, une sensation étrange… mon esprit n’est plus vraiment là !! J’ai l’impression d’être ailleurs, je vois ce qui se passe devant moi, je vois les obstacles, mais j’ai l’impression que ce n’est plus moi qui pilote… parfois je me surprends en train de tituber de droite à gauche sur le chemin. Serais-je en train de dormir les yeux ouverts ? Je n’en sais rien, j’avance avec des trajectoires approximatives, je me retrouve à 2 reprises à moitié dans un buisson… Je crois que je suis vraiment en train de dormir en marchant !! Et oui, le constat semble clair pourtant… avec grande légèreté, la plume dort !! LOL L’alarme retentie soudainement dans ma tête, je suis en danger !! Je reprends instinctivement le poste de pilotage et pour que cela ne se renouvèle pas, je décide alors de relancer. Je me fais violence et comprends rapidement que ce faux rythme était à l’origine de mes problèmes… Le fait de recourir permet à mon organisme de se réchauffer petit à petit, le moral revient alors… l’envie de dormir s’éloigne doucement… ce petit moment de flottement aurait pu me coûter cher, mais j’ai bien réagi, il est 4h du matin, le plus dur de la nuit est derrière moi. La pluie continue de tomber avec la même intensité… sur le parcours des bénévoles ont allumé un feu énorme. On s’entasse les uns les autres autour du foyer… la chaleur des flammes nous fait du bien en surface, mais n’arrive pas à réellement nous réchauffer… je suis si proche des braises que je me retrouve à fumer… ma tenue se sèche à vue d’œil, c’est bluffant, mais une fois reparti, il ne faut pas attendre plus de 30 secondes pour me retrouver à nouveau trempé… il n’y a rien à faire, rien à espérer, ça se sera comme ça jusqu’au bout…

                Au ravitaillement de Sainte-Catherine (km 107), je prends un thé bien chaud, ici c’est l’hécatombe !! le froid a eu raison d’un nombre colossal d’abandons. Mes mains tremblent de froid, je me renverse le thé dessus à plusieurs reprises, je n’arrive plus à les contrôler. Je dois absolument me réchauffer, on me dit alors d’aller sous la grande tente blanche tout au fond. J’y vais… que des têtes de dépressifs avec des couvertures de survie sur le dos… au moment où je rentre, ils me regardent tous avec compassion comme si j’étais l’un des leurs… Je comprends alors que tous avaient abandonné (« … Qu’est-ce que je fou là ? Je dois vite me casser d’ici !!! »). Un gars me dit : « Tu arrêtes ? », je dis : « Non malheureux !! ça y a pas moyen !!! ». Il me dit : « Moi, j’arrête… toute façon, je suis foutu pour la prochaine barrière horaire au rythme où j’avance ». Là je lui réponds « Non non, on est loin de la prochaine barrière !!». Je regarde ma montre, il est 6h30… Je suis sûr de ce que j’avance, mais dans le doute, je préfère vérifier pour me rassurer. Je calcule alors rapidement dans ma tête… il me reste 10h pour faire 45km !! Je prends peur !!! A l’allure à laquelle je progresse depuis Saint-Etienne et au vu des bobos que j’ai, la partie est loin d’être gagnée !!! Dès que j’ai pris conscience de cela… j’ai repensé à cet été, L’Echappée Belle, où je me suis retrouvé hors délai au 47ième km… une souffrance qui sommeille en moi depuis le mois d’août dernier… Cette LyonSaintéLyon ne peut pas m’échapper elle aussi !! En une fraction de secondes, mes pupilles se sont dilatées et mon cerveau a vrillé… je repars sur le champ avec la haine au corps ! je suis congelé, j’ai mal partout, mais maintenant ça passe ou ça casse !! Je décide d’élever le rythme et me refuse de marcher quelques soit les douleurs et les difficultés rencontrées… maintenant ça se joue dans les tripes !! Je quitte Sainte-Catherine, je suis 187ième. Ce nouvel élan me remet sur de bons rails, je le sens, je me surprends d’avoir autant d’énergie après tant de kilomètres… La musique me porte, me transportes même… ce n’est plus du trail, c’est une rave party !! Je double des dossards jaunes à répétition, alors que quelques heures plus tôt, je n’en voyais pas un sur mon chemin. Malgré les douleurs aux genoux et une petite gêne naissante aux adducteurs, j’arrives à attaquer en montée, en descentes et même sur le plat... Je suis en trance !!! J’ai l’impression de m’envoler !! On aurait dit le phœnix de Pichauris version 2.0 !! (Spéciale dédicace à Maxime LOL).

                Bref, je me régale et arrive rapidement à Saint-Genou au 116ième km, je gagne 50 places en 10km et poursuis mon effort jusqu’à Soucieu en Jarrest. Il reste 22km, je suis 118ième !! Il est 10h du matin, mon coup de collier a porté ses fruits, je n’ai plus la moindre appréhension concernant les barrières horaires… la pluie cesse ENFIN, mais le froid est toujours présent, je décide de rester un peu au ravito pour me réchauffer. Je m’assoie quelques minutes pour boire un thé chaud accompagné d’un peu de rosette et je repars… je me lève… Crack !! La petite pointe naissante au niveau de l’adducteur droit que je traînais depuis quelques bornes s’est transformé en un vilain coup de poignard… la douleur est telle qu’il m’est juste impossible de courir, c’est frustrant et inquiétant. Après tant d’efforts, finir en marchant c’est dommage, mais comment faire autrement ? Après une petite demi-heure, la douleur est un peu plus supportable et si j’essayais de relancer tranquillement ?!? Rien que l’envisager ça me faisait souffrir… après 2-3 tentatives, j’arrive enfin à retrouver ma foulée.

                J’arrive à Chaponost, c’est le dernier ravito !! ça sent bon la fin, il reste 11km !! Sur le papier, cette fin de parcours est plutôt simple… je prends alors le temps de savourer, j’ai mal partout, mais qu’importe la douleur face à l’émotion qui m’attends dans quelques minutes. Mon arrivée sur Lyon est imminente, j’ai envie de finir cette aventure incroyable avec panache et ne souhaites pas relâcher mon effort. Bien au contraire, j’ai envie d’y mettre tout ce qu’il me reste et tirer mes toutes dernières cartouches !! (… et pourtant je ne suis pas chasseurs hein ?!? LOL) Dernier raidillon avant de basculer sur Lyon, ça grimpe raide sur 1 ou 2km. Un coureur du 152km se glisse juste derrière moi, je suis encore en mode compét’ (« …Non tu ne me doubleras pas !! » LOL). A l’image de l’an dernier, je plante une mine et grimpe le truc sans même marcher… un effort monstrueux ! Effort qui a payé car il m’a permis de conserver ma place et de distancer mon concurrent. Au sommet, une sensation de plaisir intense, une cascade d’endorphines me submerge et m’envahi tout le corps… je viens d’atteindre pour la 1ère fois de ma vie, la barre fatidique des 150km !! Une grande 1ière !! Un moment magique !! La vue plongeante sur la ville de Lyon et ce pont magnifique qui enjambe le Rhône !! A cet instant tout y est !! Il reste plus qu’à savourer et finir le travail !!

                Arrivé à hauteur du 1er pont, je rentre dans le dernier km. Je commence enfin à réaliser ce que je suis en train d’accomplir. A partir d’ici, du simple passant qui passe, au coureur du 76km qui me double, chaque personne que je croise vient alimenter un peu plus cette prise de conscience par des applaudissements et des messages de félicitations à mon égard… car je porte ce beau dossard jaune, ce dossard jaune de la LyonSaintéLyon !! Devant moi la halle Tony Garnier…enfin j'y suis !! L’ambiance à l’intérieur est incroyable, du monde, du bruit, le tapis bleu et surtout cette arche…elle est encore plus belle que la veille !! Je passe dessous avec énormément de fierté et d’émotions. Une petite pensée pour ma famille… je lève les bras au ciel… Je suis finisher en 25h27min (120ième /293 partants).

                J’ai réussi donc ce pari fou d’enchaîner 2 ultras en moins d’un mois et termine cette belle année sportive sur une bonne note. Le succès est au rendez-vous, mais qu’est-ce que le retour a était dur… 14h pour revenir, des conditions climatiques extrêmement rudes !! Je crois que j’ai rarement eu aussi froid dans ma vie… l’aventure n’a pas été simple, mais malgré toutes ces contraintes, le plaisir ne m’a jamais quitté du début à la fin !!

                Mon prochain défi sera l’Ultra de Provence organisé par le THP (150km/7000mD+) en mai 2020. Pourquoi cette course et pas une autre ?!? Incroyable mais vrai, 2 jours après mon retour sur Fuveau, je découvre par mail que j’étais l’heureux gagnant d’un dossard gratuit pour cette course car mon nom avait été tiré au sort sur le salon du trail !!! Je crois que je ne suis pas monté à Lyon pour rien en fin de compte !! Un week-end décidément à part qui valait vraiment l’aller-retour..."

Nicolas Jullien

 

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