UTMBIl y a parfois dans la vie des évènements marquants, uniques, qui bouleversent littéralement la vie d’un homme… qui marquent à tout jamais son existence. Des choses qu’il est difficile de comprendre ou d’expliquer avec des mots ! Des choses irrationnelles, tellement fortes, tellement intenses qui nous plongent parfois dans un bain de confusions extrêmes…

Nous avons tous sur cette terre, chacun, autant que nous sommes, des désirs intimes... profonds, inavouables… des rêves, des fantasmes parfois, qui nous animent ou qui nous hantent… mais la réalité de la vie nous remet souvent à notre place, en recadrant sèchement notre esprit vagabond… l’homme a des rêves, mais ces derniers sont souvent si loin, si difficiles à atteindre qu’ils ne restent malheureusement à jamais qu’à l’état de « rêves ». Mais l’homme a aussi en lui... l’espoir, l’ambition, la volonté, le dévouement, le courage… le courage de croire en ses rêves les plus fous !!! Mais aussi, la folie qui le pousse parfois à aller chercher l’inatteignable en allant loin, toujours plus loin pour avoir le droit d’y croire… L’effort, le dépassement de soi, la souffrance parfois… Tel est le prix à payer pour transformer ces rêves très abstraits en de véritables projets de vies. Avant son accomplissement, son apparition au grand jour… un rêve doit rester un rêve avant tout ! Quelque chose de personnel, quelque chose d’intime… une sorte de secret à garder au fond de soi… Dès lors que l’on dévoile ou que l’on parle de son rêve, que l’on affiche une ambition particulière pour pouvoir l’atteindre…ce ne n’est plus un rêve mais un objectif !! Un objectif clairement affiché, clairement identifié… Un rêve se forge tout doucement… dans l’ombre, se monte pièce par pièce, étape par étape tel un jeu de construction ! La patience est bien souvent l’une des clés principales pour partir à la conquête de l’inaccessible ! Il faut savoir attendre le bon moment, le bon timing… et savoir pousser les choses parfois en saisissant les opportunités qui s’offrent à nous…

                Je cours en compétition depuis 2016... Je me souviens mes tous 1er trails, j’étais ce jeune trentenaire pleins de fougue, complétement inexpérimenté qui ne savait pas ce qu’il faisait… Un doux rêveur animé par les exploits et les prouesses des Kilian Jornet, des François D’Haene et j’en passe… « Mais qu’est-ce que c’est que ces mecs ?!? L’un d’eux, le tout petit... On l’appelle l’ultra-terrestre ?!? Qu’est-ce que c’est que ces distances de malades qu’ils se tapent ? 170Km autour du Mont-Blanc... ce n‘est pas humain !!! ». Ces gens-là, si humain « en apparence », si simple, si humble ont un grave problème psychologique… mais ils vendent tellement de rêves par ce qu’ils accomplissent, par ce qu’ils représentent… c’est fascinant !! Des Dieux vivants !! « Un jour, j’aimerais trop faire ce qu’ils font !! Comment ça s’appelle leur truc ?!? L’Ultra Trail ?!? Et ben moi, quand je serais grand, je veux faire ça moi aussi… mais ça ne sera pas facile !!! » 😊. Très rapidement, très tôt à mes débuts, j’ai compris l’essence même de ce sport et tout de suite, alors que j’avais tout à me prouver… mon esprit et mon âme tout entière ont été pris en otage par ce désir fou, cette volonté profonde d’atteindre un jour, à mon humble niveau, les étoiles… Courir les plus beaux ultras qui puissent exister !! Un rêve surréaliste et inavouable a donc naturellement émergé au plus profond de mon être, occupant mes pensées les plus égarées. Quand je cours, je n’ai plus que ce rêve en tête !!! Ce but ultime qui me nourrit depuis 5 ans et que je construis dans l’ombre et le silence… Ce rêve, vous l’avez compris, ce n’est plus un secret… c’est l’UTMB !

                UTMB… 4 lettres qui font frissonner tous les passionnés de trail running de la planète. L’UTMB, c’est le sommet mondial du trail, l’endroit où les élites de toute la planète viennent s’affronter chaque année… l’Ultra Trail du Mont-Blanc, c’est l’ultra trail de légende, le plus prestigieux et le plus prisé au monde. L’UTMB, c’est une boucle légendaire de 172Km pour 10 000mD+ autour du Mont-Blanc. Une boucle ahurissante au départ de Chamonix, traversant 3 pays… La France l’Italie et la Suisse. Né en 2003, il y a 18 ans de cela, il est très vite devenu LA référence mondiale dans le milieu du trail, passant au fil des ans d’un peu moins de 700 coureurs à près de 10 000 aujourd’hui (Toutes épreuves confondues). Car l’évènement regroupe aujourd’hui, 5 courses majeures… l’UTMB, l’épreuve reine, la CCC (100Km/6100mD+), la TDS (145Km/9100mD+), la PTL (300Km/30 000mD+) et enfin l’OCC (55Km/3500mD+). 111 nationalités y sont représentées, près de 100 000 spectateurs répartis sur tout le parcours… La planète trail se déplace chaque année sur l’évènement, c’est l’épicentre du trail running… La course que chaque coureur rêve ou rêverait de courir un jour dans sa vie… Un mythe !! Il n’y a aucune équivalence sur terre et dans toute la galaxie !!! C’est le Saint Graal !! Pour y participer, il faut prouver sa valeur selon des règles très strictes… cumuler un certain nombre de points ITRA sur 2 ans (10 remportés en 2 courses seulement par le biais de courses qualificatives) et être tiré aux sorts (Moins d’1 chance sur 3 d’être pris). La demande chaque année est démentielle, la course est complète à 340% au moment des pré-inscriptions… un monstre médiatique et sportif auquel tout le monde veut prendre part et qui continu de s’accroître tous les ans.

                Disposant de 11 pts en poche sur 12 possible, je m’inscris naturellement sur l’UTMB en début d’année… Malheureusement à l’image de l’an dernier, une fois encore, ça ne sera pas encore pour cette fois-ci !! Je suis recalé au tirage aux sorts pour la deuxième fois en 2 ans. Je m’inscris alors sur l’Ut4M, l’Ultra Tour des 4 Massifs autour de Grenoble (170Km/11 000mD+) … la grosse concurrente de l’UTMB !! Le défi est excitant, je fais une préparation sérieuse… Malheureusement, l’aventure ne se passera pas tout à fait comme prévu me laissant encore un goût d’amertume en bouche… Mon grand RDV de 2021 est raté ! Afin d’évacuer les frustrations et renouer avec le plaisir, je monte le week-end qui suit à La Plagne sur un coup de tête pour courir la 6000D. Profitant des bénéfices de ma prépa Ut4M, je signe l’une de mes plus belles performances en course officielle. Mais tout cela, n’était pas assez pour combler mon manque et mon désir d’ultra… je cherche alors une remplaçante à l’Ut4M pour sauver mon été sportif. Malheureusement, je me blesse bêtement à l’entrainement lors d’une chute dans la Sainte-Victoire. Résultat… entorse de stade 2, déchirement partiel du ligament antérieur de la cheville droite !!! 2021… une année de merde entachée de blessures à répétition et de grosses déceptions !! « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu sérieux ?!? Cette année, c’est galères sur galères !! ». Et pourtant… j’étais loin de m’imaginer ce que le tout puissant était en train de me concocter en douce pendant que je ruminais et m’apitoyais sur mon sort… Peut-être que les choses étaient écrites à l’avance et qu’il fallait savoir décoder certains signes divins pour s’apercevoir de ce qu’il allait se passer dans les jours à venir… Comme cette surprenante rencontre sur la 6000D avec la légende des légendes, Dawa Sherpa (1er vainqueur de l’UTMB en 2003… A jamais le 1er !! 😊). Il est venu comme ça m’aborder à la fin de la course après avoir croisé mon regard et nous avons engagé une conversation de quelques minutes… surréaliste quand j’y repense !! Je suis en train de parler avec un mythe du trail running !! Nous avons parlé de notre course respective, du paysage, de la météo… je fini à un peu plus d’une heure derrière lui !!! Moment de dingue, quand on sait qui il est et ce qu’il a fait par le passé… Vainqueur de l’UTMB !! Mais voilà, jusque-là, ni moi ni personne ne pouvait prévoir ou imaginer ce que l’inattendu allait me pondre dans ce marasme profond !! Jeudi 19 août, journée de travail classique, je suis à la pause-café avec Ludo et Flo… De quoi parlons-nous ? De trail évidemment et bien sûr du grand RDV incontournable de la semaine prochaine… l’UTMB !! En discutant avec eux j’apprends que Benjamin (un de nos potes avec qui on court), forfait pour l’UTMB, n’avait pas pu reporter son inscription sur l’année 2022… Son dossard était donc vacant et juste bon à jeter aux chiottes !! Impensable quand on sait ce que représente ce petit bout de papier dans les yeux de tant de coureurs !! A mes yeux, il représente tout sauf un vulgaire morceau de papier cul tout rose !! Une pulsion incontrôlable s’empare de moi et me fait vriller !!! j’attrape mon téléphone, je le veux !! Son dossard je le veux !! Je le veux vraiment… quitte à courir avec son nom s’il le faut tant pis !! Je suis prêt à tout pour courir l’UTMB !!! Avec une cheville en vrac, en tutu rose, déguisé en Pikatchu ou même avec une burne en moins… je suis prêt à y aller et à le courir quand même !!! Sans la moindre hésitation, j’envoies un message à Benj et lui propose de le lui racheter. Quelques minutes plus tard, mon téléphone vibre !! : « Putain, au putain les gars !! Les gars il a répondu !! ». Je suis aussi excité qu’une pucelle à son 1er bal de promo !!! 😊 Et là…hallucinant !! Je n’en croyais pas mes yeux, j’ai failli en perdre le téléphone !! Le gars me répond : « Allez go !! Je te l’offre avec bon cœur !!». Incroyaaaable… Le mec c’est Moïse !! Il vient d’ouvrir la mer Rouge devant mes pieds !! Même le père Noël ne pouvait pas faire mieux… il me l’offre !! Il m’offre mon rêve sur un plateau en or massif !! (Merci mon Bizot… t’es mon idole frérot !! <3). Bababaaaa… 5 ans que j’attends ça !! J’ai pourtant tout fait comme il faut jusque-là… mais la chance n’a jamais été de mon côté pour ce foutu tirage aux sorts… et là, à une semaine du départ de cette édition 2021, l’inattendu est arrivé… l’opportunité s’offre à moi comme par magie !! ENFIN, mon rêve est à portée de main !! Mais une fois, l’euphorie passée, il faut revenir 2 min à la réalité… Comment vais-je faire pour le courir maintenant ?!?  Entorse avec déchirure partiel du ligament, à l’arrêt complet depuis plus de 2 semaines… je boîtes, la cheville n’a toujours pas désenflée, la douleur est encore là !! Le départ est dans seulement 1 semaine... En 1 mois, j’ai dû courir pas plus d’une trentaine de bornes !! Blessé, en manque de rythme et d’entrainement… ce rêve d’une vie peu vite tourner au cauchemar… mais qu’importe, je dois le tenter c’est l’UTMB !! L’opportunité de le courir un jour ne se représentera peut-être jamais ! Car à partir de 2022, le système d’accès au dossard va changer rendant la tâche plus complexe encore pour décrocher son précieux. Bref il n’y a pas le choix, c’est maintenant ou jamais !! Tant pis, je joue mon va-tout en connaissance de cause et suis prêt à accepter tous les sacrifices et toutes les conséquences !! Physiquement la tâche sera délicate, c’est vrai… mais mentalement je suis prêt… prêt depuis tant d’années, je suis programmé pour ça !! Alors blessé, sans entrainements qu’importe… j’irais là-bas au talent !! Avec la ferme intention d’aller tout au bout de mon rêve...

                Jeudi 29 août, veille de course. Après 5h de route, nous arrivons, Virginie et moi, à Servoz peu de temps avant la nuit. Nous rejoignons les cousins, Céline et Jérôme dans leur petite location estivale. Ils ont eu la gentillesse de nous héberger pour la nuit. Jérôme court lui aussi l’UTMB et part tout comme moi en deuxième vague demain. C’est un immense plaisir de se retrouver là tous ensemble dans ce 4 places au pied du Mont-Blanc. Nous sommes à J-1, on peaufine les derniers préparatifs, le sac de course, les sacs d’assistances… rien est laissé au hasard, tout est carré, chirurgicale… Un petit plat de pâtes, l’ambiance est calme et détendue. Nous profitons un petit peu de la soirée, mais ne tardons pas à aller nous coucher, car il va falloir être en pleine forme demain. Le lendemain matin, nous partons sur Chamonix afin de récupérer mon dossard (… enfin celui de Benjamin !!) Muni de sa carte d’identité et de son pass sanitaire, je m’apprête à agir de façon furtive… tel un agent secret britannique dont la mission est d’extirper un précieux document des mains d’une terrible bande de malfaiteurs. Ici je suis incognito, je ne suis ni l’agent 007, ni OSS 117… Je ne suis pas Nicolas Jullien non plus, je suis Benjy d’Aix, l’homme à la casquette bleue !! Le stress monte au moment de récupérer le dossard, je suis fébrile ! Le contrôle de mon identité peut faire capoter toute cette belle aventure qui se profile… La casquette bleue sur la tête, le masque monté bien haut sur les joues ! Je suis même allé jusqu’à m’épiler légèrement les sourcils pour ressembler au maximum au mec sur la photo !! 😊 Je tends la carte sans trembler, la nana ne me regarde même pas… ça passe ! « Bonne course à toi Benjamin !» … Le temps de réaction avant de répondre « merci » est assez conséquent… mon cerveau a du mal !! Je ne suis pas encore familier avec mon nouveau prénom, mais qu’importe il est là dans mes mains, ce dossard si important ! Quelques emplettes touristiques sur le salon du trail et nous rentrons immédiatement à l’appart pour manger et nous reposer… Sieston obligatoire jusqu’à 15h30 !! Nous nous levons tranquillement et enfilons immédiatement nos tenues de super héros !! Nous sommes prêts, prêts à faire usage de nos supers pouvoirs !! Nous partons alors pour Chamonix…

                Dans la voiture, la tension est palpable, personne ne parle, on croirait presque que l’on part pour une opération militaire à hauts risques et que c’est nous qui avons été choisi pour lancer l’assaut !! Je ressens la peur, l’angoisse de mon cousin !! De nature plutôt calme et détendu à l’accoutumé avant une course, je n’arrive pas à prendre le dessus sur mes émotions… et me met à stresser à mon tour !! Il faut dire que celle-là, il ne faut pas se manquer, pas le droit à l’erreur… c’est la plus belle de toute, la plus mythique !! Celle que j’ai tant attendu, tant désiré… ce n’est pas une course comme les autres, c’est la course de ma vie !!! Une fois garé, tout va très vite, nous nous approchons de la place du triangle de l’amitié située au cœur de Chamonix. Les rues sont noires de monde, nous suivons l’artère principale de la ville à contre sens… les spectateurs sont positionnés sur les trottoirs laissant la rue totalement dégagée… Ici c’est « Magic Everywhere » !!! On a l’impression d’être à Disneyland Paris au beau milieu de Main Street juste avant la grande parade !! « Oh regardez !! Voilà Tic et Tac !! ». 😊 Les gens nous regardent, nous observent, nous dévisagent… On sent de l’admiration dans leur regard, du respect !! Certains nous regarde comme si on était 2 valeureux gladiateurs prêts à rentrer dans l’arène… c’est assez impressionnant !! Au bout du couloir, de plus en plus de bruit, de plus en plus d’excitation, les paroles du speaker qui resonnent entre les bâtiments et… l’arche !! La célèbre arche bleue de l’UTMB, cachée entre 2 immeubles de type Haussmannien… c’est incroyable !! Avant de rentrer dans le SAS, un dernier bisou à ma chère et tendre. Je sais qu’elle est avec moi et qu’elle croit fort en moi !! C’est parti on y va !! L’attente dans le SAS est interminable…

                17h00, la vague élites vient de partir. La course va être relevée cette année !! Toutes les stars sont là, à l’exception de Kilian Jornet et Pau Capell !! Nous approchons de l’arche, Jérôme et moi, le moment est fort et solennel… On se serre dans les bras pour se donner de la force mutuellement !! On sait ce que cette course représente pour l’un comme pour l’autre !! Une tape dans le dos et on se replonge chacun, dans notre course et dans nos propres pensées… Instant magique où le temps semble se ralentir… Je me sens petit, tout petit et à la fois si fort devant cette arche !! The Conquest Of Paradise de Vangelis retenti dans toute la ville… elle me transporte, me donne littéralement le frisson, la chair de poule !! Je sens cette vague de bien être intérieur se déverser dans tout mon corps… enivré par la musique et les endorphines, je lève les yeux au ciel… un funambule passe juste au-dessus de nous… l’instant est beau, l’instant est exceptionnel… j’en ai les larmes aux yeux !! C’est encore plus beau que dans mes rêves !!! J’y suis, je vais prendre le départ de l’UTMB…

                17h30, le départ est lancé, la foule est en délire, je n’ai jamais ressenti autant de ferveur au départ d’une course, c’est absolument incroyable !! C’est l’hystérie !! Les premières foulées sont lancées… légères, aériennes !! Je me sens comme porté par le vent, c’est une véritable fierté pour moi d’être ici aujourd’hui et de vivre cet instant… l’émotion est trop forte, je craque !! Les larmes surgissent et descendent lentement le long de mes joues !! C’est fabuleux… j’en pleurs de joie !! Vangelis nous accompagnera et nous transportera jusqu’au bout de la ville pour un voyage exceptionnel, un voyage au bout de l’effort…

                Chamonix est derrière nous, ça y l’instant émotion est passé, maintenant il faut tout déchirer, on rentre dans le vif du sujet !! On rentre dans la bagarre !!! Jérôme part très motivé, je le sens, il met du rythme !! Je vois tout de suite que je ne vais pas être en mesure de le suivre… j’opte alors pour une stratégie de course différente de la sienne… j’opte pour une approche plus lente, plus progressive. Par expérience, cette stratégie a toujours fonctionné pour moi ! Le risque de partir trop vite risquerait de m’être fatal. De plus, je n’ai pas la condition physique et l’état de forme requit pour tenter le diable !! L’aventure sera longue, je décide de prendre le temps et garder un maximum de cartouches avec moi. L’idée aussi est de se rassurer quant à la cheville, car bien que strappée, le risque qu’elle ne me lâche sur une telle épreuve reste grand ! Je n’ai pas recouru depuis ma chute du début de mois et n’ai pas voulu la tester avant la course… la peur de devoir déclarer forfait au dernier moment et de devoir renoncer à mon rêve est à l’origine de cette décision. Certains dirons que je suis fou… C’est FAUX !!! Je suis un véritable dingue !! 😊 Il y a donc de véritables inconnues autour de cette cheville… « Vais-je pouvoir courir ? Vais-je avoir mal ? le ligament va-t-il tenir ? Comment vont se passer les descentes ?!? ».  Les réponses à mes questions ne vont pas se faire prier bien longtemps !!! Les premières foulées sont encourageantes, tout semble aller à la perfection !! Mais au bout de 3Km… Bim ! la cheville tourne sur une espèce de faux plat descendant… ça commence mal, très mal !! Une douleur légère fait son apparition et une sensation de fragilité se fait fortement ressentir !! Le trauma qu’il fallait à tout prix éviter, il arrive au bout d’un quart d’heure de course seulement !! Pas serein du tout pour la suite, je me dis que les descentes ça va être un massacre !! Bref, les premiers doutes s’installent, d’autant que je le sais, je le vois, je le sens les jambes sont moyennes voir médiocres sur ces premiers Km. Je m‘efforce de penser à autre chose, de rester positif et continu ma progression sur 8Km de faux-plats grimpants et descendant jusqu’aux Houches. Je ne m’arrête pas au ravitaillement, j’ai tout ce qu’il me faut, je trace direct.

Il me tarde d’attaquer la 1ère ascension, ça monte fort sur 5Km jusqu’au Delevret. La montée se passe super bien, j’ai un bon rythme !! Pas de gênes à la cheville rien !! c’est plutôt positif, mais mon esprit est focalisé sur ce qui va y avoir juste après…A savoir la grande descente de 6Km jusqu’au 2nd ravito de Saint-Gervais ! Je la redoute un peu compte tenu des circonstances. J’arrive au sommet du Delevret vers 19h30, 14Km de course en un peu moins de 2h, on n’est pas trop trop mal !! Je bascule de l’autre côté et amorce la descente tant redoutée... c’est la catastrophe ! La cheville est instable, elle me fait mal, je suis obligé de descendre en marchant… impossible de dérouler lorsque la pente est un peu inclinée !! C’est compliqué, je perds des places, du temps et commence à me demander ce que je fais là !! Dans cet état, fallait-il vraiment prendre le départ ? Aux vues de mon avancée laborieuse, je prends vite conscience que le profil roulant de cette course ne sera pas à mon avantage. Avec une telle cheville, je sais tout de suite que les montées seront plus rapides que les descentes !! Des Houches au Delevret, je suis sur une allure de 5min/Km pour 840mD+, sur la portion Le Delevret-Saint-Gervais à 10min/Km soit le double en descente !! C’est énorme !!

J’arrives au 22ième Km à Saint-Gervais un peu désabusé et inquiet… Je vois Virginie et Céline dans le public juste avant le ravito. A mon regard, Virginie a bien compris le message que je venais de lui envoyer… « Mon cœur, ça ne va pas le faire ! ». J’ai bien compris en regardant le sien, qu’elle avait pris réception de ce message… Je me ravitaille et repart. Il est 20h30, je suis déjà mal au bout de quelques mètres : « Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?!? je suis faible, j’ai sommeil… mais putain c’est sérieux là ?!? j’ai envie de dormir là maintenant ?!? Il ne fait même pas nuit encore !!! Putain mais c’est n’importe quoi… c’est honteux !!! ». Je suis obligé de me coucher sur le bord du chemin juste avant d’aborder la côte en direction des Contamines !! « Honteux » était le mot… je suis à l’UTMB est je dors au bout de 3h de course seulement !! C’est comme si tu allais au cinéma voir le dernier blockbuster et que tu t’endors dans ton siège avant même le lancement des bandes annonces !!! Les mecs ils ont même pas éteint la lumière de la salle encore !! 😊 Et bien là c’était pareil !!! Le soleil lui n’était pas encore couché, mais moi OUI !!! Le marchand de sable est passé tout doucement, je n’ai rien compris… Ce n’était pas une petite pincé de sable qu’il m’a jeté gracieusement dans les yeux, mais plutôt une grande pelleté de ballast dans la gueule !!! KO technique direct !! 😊 J’étais donc là au bord du chemin en PLS (Position Latérale de Sécurité pour les ignares !). J’entendais dans mon sommeil, les pointes des bâtons des mecs qui me passaient tous les uns après les autres !! « Pouvez faire un peu moins de bruit ? il y en a qui dorme !! » 😊. Je les entendais me juger dans leur silence !! la marque maaal… c’était terrible !! Il m’a fallu 3 siestes de 10min pour que je réussisse à plier ces 10Km de montée jusqu’aux Contamines !

31km, ravito 3 des Contamines, il est 23h00. J’ai perdu plus de 900 places au classement et pointe à la 2220ième position … c’est abyssal !! Incompréhensible !! Je suis arrivé sur l’évènement avec un sérieux déficit de sommeil, c’est une évidence aux vues des faits… Pourtant la nuit de la veille était de qualité !! Mais il faut aussi se rendre à l’évidence, une semaine en arrière encore, je n’avais pas prévu, ni imaginé un seul instant que j’allais courir 170Km autour du Mont-Blanc !! Je paye certainement certains excès du quotidien !! La nuit est compliquée, mais je me sens beaucoup mieux au fil des kilomètres. 8Km de côte jusqu’à la Balme, je grimpe, je double 80 personnes, mais la BH de 2h du matin se rapproche toujours plus… je passes à 1h07 au ravito ! Je prends conscience que les barrières horaires de l’UTMB sont quand même assez étroites et qu’elles ne me laisseront pas trop de marge face aux imprévus !! Entre mes problèmes de cheville qui m’empêchent de courir les descentes et mes problèmes de sommeil, je suis mal barré !! Mais j’y crois encore et toujours !!

Je quitte la Balme et poursuis mon ascension. Je grimpe avec beaucoup de détermination et l’envie de me refaire une santé… je dois repousser ces barrières horaires loin de mon esprit et inverse la tendance !! Je monte alors le col du bonhomme comme un bonhomme et fini en croix à la croix du bonhomme à 2443m d’alt. 😉 L’ascension était longue, j’atteins le sommet vers 3h du matin, dors 10min et bascule sur l’autre versant. 6km de pentes à dévaler en direction des Chapieux sont au programme… J’alterne course et marche « rapide ». La cheville semble plus stable, moins douloureuse, elle n’est plus vraiment un problème en réalité… Par contre par phénomène compensatoire, c’est mon genou droit qui commence à donner de très mauvais signaux !! Une douleur sur la face externe qui s’amplifie fortement au fil des kilomètres. Compte tenu de la douleur aigue et de la zone inflammée, je pense tout de suite à un TFL (le syndrome de l’essui glace). Ça m’inquiète vraiment, car avec un TFL, la souffrance est extrême et il me sera impossible, voir quasi impossible de boucler la boucle ! Je sors immédiatement ma trousse à pharmacie de mon sac et récupères ma genouillère anti-TFL (prévoyant le mec !! 😊). Je l’enfile et repart doucement… les 1er effets se font sentir, ça me soulage un peu et je continue en direction des Chapieux Bourg-Saint-Maurice.

Il est 4h et demi du matin 50Km, 2900mD+ parcourus, je suis 2153ième, je me ravitaille et demande à voir un kiné (Pas un médecin... un kiné attention !! 😊). Une jolie jeune femme me prend en charge !!! Elle a l’air compétente… Je cède donc à la tentation et fait des infidélités à mon Jojo en la laissant s’occuper de mes bobos. Elle me masse les cuisseaux et me triture le genou, je reste 20 minutes sur la table !! Mon problème au genou n’est pas un TFL, mais un souci au biceps fémoral !! (Tiens Joël, m’avait déjà parlé de ce truc la fois dernière…). C’est douloureux mais ça devrait pouvoir se gérer selon elle. Je me rhabille et repars direct. Une grosse portion de 15Km de grimpette m’attend !! ça va piquer sévère, car arrive le redoutable col de la Seigne culminant à 2515m d’altitude. Une fois là-haut, je serais en Italie et un nouveau jour commencera. Il me tarde de voir le soleil et d’en finir avec cette 1iere nuit difficile. Il a fait très froid avec des températures qui ont frôlé le négatif. L’ascension de ce col est difficile… au col de la Seigne, tu te saignes !! 😊  Les cuisses et les ischios brûlent, ça grimpe fort !! J’arrives là-haut au petit matin… Ciaooo Italiaaa !!! 😊 Il est 7h et demi du matin c’est l’heure du petit déj’ !! Un gars vomit devant moi sur le bord du chemin, un autre quelques mètres plus loin brame comme un cerf, il est à 2 doigts d’en faire autant… un peu plus loin 2 gars sont étendus l’un à côté de l’autre en train de dormir la bouche ouverte sur un petit brin de pelouse au beau milieu des bouses de vaches !! Bref une belle journée de trail qui commence autour du Mont-Blanc !! 😊 Je poursuis ma progression jusqu’aux cols des pyramides calcaires, un hélico de la sécurité civile passe au-dessus de nos têtes… « Ben dis donc il y a de la casse chez les coureurs !! La nuit a été dure et intransigeante pour tout le monde à priori !! ».  La prochaine BH du lac Combal est fixé à 10h00, ça va être tendu de chez tendu !! 4km de descente et un genou prêt à imploser… je souffres le martyre, je ne peux absolument pas la courir et arrive tout juste à descendre la pente en marchant… Je me fais passer sans arrêt et perds un temps colossal !! Un véritable calvaire !! Le moral est au plus bas… j’ai l’impression de ne pas avancer, je regarde la montre impuissant et fataliste…c’est cuit !! C’est une évidence, c’est fini… Il est un peu plus de 9h, il doit y avoir 2-3km de descente encore et je n’arrive pas à mettre un pied devant l’autre !! C’est l’enfer j’ai trop mal, le corps souffre trop !! Les muscles extenseurs de la cheville gauche sont saturés et viennent également me jouer de sales tours… comme si je n’en avais pas assez comme ça !! Il ne faut pas se mentir ni se raconter d’histoires… cette belle aventure… mon rêve prendra fin dans un peu moins d’1h et je ne peux absolument rien changer à ça !! Je connais cette situation, on l’a tous connu au moins une fois… il est temps de se faire à cette idée, de déposer les armes et de s’incliner… Je me dis : « Tu es venu avec la bite et le couteau, tu es venu au talent sur cet UTMB… mais là, le talent ne suffit plus malheureusement… et maintenant il va falloir assumer la défaite… ». J’ai donc dû me faire à cette idée et être dans l’acceptance de ce terrible échec… la montagne est intransigeante et gagne toujours !!! A cet instant, j’ai envie de fondre en larmes… tout seul, dans une solitude extrême face au Mont-Blanc… La mélodie de Conquest Of Paradise qui résonne encore dans ma tête… là je pense à toutes ces courses que j’ai faites jusque-là, toutes celles qui m’ont amenée jusqu’ici… tant d’efforts pour en arriver là, au beau milieu de nulle part dans ces montagnes italiennes et voir s’envoler ce rêve qui m’a habité depuis tant d’années… quelle tristesse !! Je repense à toutes ces courses dans lesquelles j’ai été en mauvaises postures… Le Verdon Canyon Challenge en 2017, Le trail des Maures en 2018, L’UltraRace, ma 1ère Echappée Belle, ma LyonSaintLyon en 2019 ou encore le trail des calanques en 2020 et j’en passe… bref il y en a eu !! Et à l’exception de l’échappée belle de 2019, j’ai toujours trouvé les ressources au fond de moi pour me sortir du pétrin !! J’ai acquis beaucoup d’expérience durant toutes ces années… la situation d’aujourd’hui est critique, mais est-elle si irrécupérable ? J’aimerais pouvoir dire NON car c’est l’UTMB… mais là trop de souffrances physiques, le plaisir s’est barré en France et le chrono qui ne me laisse plus le temps de rien !! Et puis… dans un dernier élan de lucidité, je me dis dans ma tête la chose suivante : « Ça y est… pour la toute 1ère fois en 5 ans, tu viens de renoncer à ton rêve… ». Et c’est vrai !! Je sais comment ça se passe, comment je suis, comment je fonctionne… Jamais, JAMAIS, je me serais pardonner d’avoir baissé les bras sur cette aventure !! Je m’en serais voulu à vie !! Je me dis : « Perdu pour perdu, tu dois continuer de te battre malgré tout !! jusqu’à la dernière seconde… pour l’honneur, pour l’amour que tu voues à ce sport ! Tant pis pour le corps, tant pis si ça fait mal… mais au moins tu seras en paix avec toi-même au moment où on te retirera le dossard… ». Et là, sur ce sentier si hostile et malveillant, j’ai recommencé à courir lentement dans une souffrance extrême… avec les moyens du bord. Le terrain est technique, il ne m’aide pas du tout dans ma tâche !! Je redouble quelques concurrents, ça me redonne de la force, du baume au cœur… mais je n’en espère rien pour autant !! Un peu plus bas au loin…je crois voir un chapiteau blanc dans ce paysage désertique : « C’est un mirage ? Une hallucination ? NON !!! C’est le ravito du lac Combal !!! mais où est le lac ? je ne le vois pas je ne comprends pas !! ». Une fine lueur d’espoir se dessine sous mes yeux !!! Je regarde une nouvelle fois ma montre… « Putain !! Je crois que je peux le faire… ».  Je repars de plus belle, j’envoies tout en cul, je serre les dents et dévale le chemin plus motivé que jamais !! « Putain si ça passe, ça va passer juste… ».  Je descends tambour battant comme une bête sauvage qui s’est fait tirer dessus !! Un acharné boiteux !! 😊 Je double encore et encore… J’ai peur de ne pas y arriver à temps !! Je me revois à l’âge de 13-14 ans avec mon cartable lors de mes années collège, en train de courir avec la même peur au ventre de ne pas arriver à temps à l’abris de bus !!! L’heure c’est l’heure après l’heure c’est plus l’heure !!! 😊 Le genou est en fusion, les extenseurs de la cheville gauche complétement carbonisés, je n’écoute plus ce que mon corps me dit, mon cerveau est sur messagerie !! « Je peux le faire, j’y crois dur comme fer !! Je vais y arriver à temps à cette foutue barrière horaire de 10h00 !! ». Et bien oui… finalement j’y suis arrivé !!! Avec 25 petites minutes d’avance… je n’ai jamais été aussi près d’une barrière horaire lors d’une course, c’est très très stressant !! Je n’y croyais plus du tout pendant un long moment !!! Je pousse un grand cri de soulagement !! Je reviens clairement d’entre les morts, j’en ai vraiment conscience sur le coup !! Pour retourner la situation, il aura finalement fallu que j‘aille chercher dans mon passé pour pouvoir reconstruire l’avenir ou tout du moins changer le cours des choses… Pour moi, mon UTMB allait s’arrêter ici et bien NON !!! Comme quoi il faut toujours croire en ses rêves tout le temps… jusqu’au bout du bout !! Maintenant il reste un peu plus de 100 bornes, si je dois les faire comme ça au même niveau de souffrances et bien OK… Je les ferais ! J’acceptes les risques et suis prêt à payer la note qu’il faudra du moment que je suis assuré d’aller au bout !! Une vague de chaleur s’empare alors de ma boîte crânienne, le voile rouge devant les yeux !! Les cacahuètes grosses comme des pamplemousses qui me sortent d’un coup et qui dépassent de mon short !!! 😊 J’ai un coup de sang terrible !!! J’ai eu chaud au cul ! Maintenant poussez-vous tous !!! Place à la remontada !!! 😊

Je quitte le ravito du lac Combal à la 2089ième place, je repars fort, très fort !!! ça monte raide sur 500mD+ jusqu’à l’arête du Mont-Favre situé à 2417m d’alt. !! L’ascension de 4Km est rapide, c’est presque une formalité, je pousse fort sur les bâtons et ne cesse de rattraper mes prédécesseurs !! Je me régale, le plaisir est de nouveau présent !! Je m’impose un sacré rythme ! J’arrives au sommet au bout d’une petite heure… je suis concentré, focus sur le prochain ravito de Checrouit !! ça redescend, le genou ne va pas trop mal, la douleur est belle est bien là… mais le corps arrive bizarrement à mieux l’assimiler. Dès que ça me lance un peu trop, je ralenti et me met à marcher !! On est clairement dans la gestion de la douleur au fur et à mesure que ça descend. Les extenseurs quant à eux ne me laissent aucun répit, ils sont très douloureux, mais on gère comme on peut…

Km 77, j’arrives au ravitaillement du col de Checrouit Maison Vieille vers 11h et quart, je suis 1964ième !! j’ai repris 125 places en 9Km. Je prends un bouillon bien chaud pour reprendre un peu de sel et mange un bon plat de pastas italiennes cuitent al dente. Je reste 5min et repars dans cette dégringolade de l’enfer en direction de Courmayeur. 4km de pente bien casse gueule et sablonneuse !! On bouffe de la poussière, le danger est présent, des racines partout, des lacets plongeants et biscornus, ce n’est pas de la rigolade !! J’arrives à gratter une petite vingtaine de places, mais je ne prends pas de risques inutiles. J’arrives tout schuss à Courmayeur autour de midi, il y a une super ambiance dans les rues, du monde partout !! Je suis au 81ième Km à la 1937ième place à 1h de la barrière horaire ! Je suis satisfait, j’ai le sentiment d’avoir clairement repris les choses en mains. J’arrives près du gymnase en courant galvanisé par les Forza des tifoisi ! Je vois ma douce dans le public et m’arrête à sa hauteur !! Elle ne m’avait pas vu… Je lui dis : « Coucou ça va ? ». Et là, elle tourne la tête, me regarde avec étonnement et explose de joie !! Elle me dit : « Mais t’es làààà ? ». Elle non plus n’y croyait plus je penses !! Quel plaisir de voir son visage si radieux, de la voir si heureuse quand elle a pris conscience que j’étais toujours dans la course !! On est très loin des regards alarmistes de Saint-Gervais de la veille !! Elle voit dans mes yeux que plus rien ne peut m’arrêter maintenant !! Je rentre dans la zone d’assistance pour la retrouver, elle me dit que Jérôme n’est pas bien et qu’il abandonne !!! Coup de tonnerre !!! Je lui demande ce qu’il a, elle me répond qu’il a eu des vomissements et qu’il n’arrive plus du tout à s’alimenter… Je vais vite le voir en sortant un Vogalène de ma poche. Il est allongé au sol pas bien du tout !! Il me dit qu’il ne repartira pas !!! Je sais ce qu’il endure, je connais, je l’ai vécu, mon corps l’a déjà vécu… en le voyant, mon estomac se noue comme s’il revivait la scène ! Je lui donne mon haricot magique (Les fan de manga auront la référence 😉) en espérant que d’ici 10min, les effets du médicament seront suffisants pour le convaincre de repartir avec moi !! Je me ravitaille, récupère du linge propre pour la nuit à venir. Je jette un dernier coup d’œil vers mon cousin, je ne veux pas qu’il fasse parti des 143 abandons de Courmayeur !! Je lui dis : « Allez, on y va ensemble ! ». Il ne se sent toujours pas sur l’instant, puis se ravise et se relève !! Trop fort, il revient dans la course à son tour !

On repart tranquillement ensemble, il me dit : « Vas-y, je te retarde, passe devant je te rattraperais ! » … ça m’embête de le laisser, car je ne sais pas si au fond de lui, il se sent réellement de continuer dans cet état !! Je crains que si je le lâche maintenant, il ne décide finalement de rebrousser chemin ou ne vise pas plus loin que le prochain ravito. Je pars malgré tout devant, en me disant que le mieux pour lui est de le laisser se refaire une santé !!! Le laisser aller à son rythme le temps qu’il reprenne le contrôle de son appareil digestif et de son alimentation. Au bout d’une cinquantaine de mètres, je rebrousse chemin et retourne le voir !! Je lui donne un deuxième haricot magique de secours au cas où il en aurait besoin, car la course est encore longue !! Il le prend et le glisse dans sa poche… ça me rassure de savoir qu’il a ce cachet avec lui !! Et je repars devant pour 800mD+ en direction du refuge de Bertone. L’ascension se déroule à merveille, c’est la régalade !!! Aucune douleur en montée, je profite de ce privilège et de ce tout petit moment de répit car généralement quand on monte après on redescend !! 😊 Mais pas là… car après le refuge de Bertone, nous avons à la place de mini-montagnes russes sur fond de faux plat grimpant.

14h, je suis au refuge de Bertone (86Km/5500mD+). Sur le ravito, je prends la même chose que d’habitude... Un coca, une soupe, un tuc !! Je suis 1682ième, j’ai récupéré 255 places depuis Courmayeur !! Ma remontée est spectaculaire et ne cesse de s’accentuer !! Il fait chaud, je sors à plusieurs reprises mon mini vaporisateur d’eau et m’asperge la nuque, le visage et l’intérieur de la bouche !! (Oui oui un vaporisateur d’eau 😉). A chaque rivière, chaque torrent, je sors mon gobelet afin de désaltérer la machine !  Je m’abreuve abondamment de ce liquide si glacé et si salvateur !! Un bonheur pour les papilles !! Je poursuis ma progression et passe le refuge Bonatti. Je tourne ma tête un instant, le Mont-Blanc du côté italien (il monte Bianco 😊) est magnifique !! Plus rocheux, moins enneigé que par chez nous, mais toujours aussi impressionnant de beauté !! C’est très intéressant de le découvrir sous toutes ses formes, sous plusieurs angles !! Au fil de notre avancé, il change d’aspect, de couleurs !! Dans notre laborieux périple, il est toujours là avec nous, il nous suit, nous surveille, tel un grand frère à notre gauche… Il veille sur nous !! Quelle fascinante montagne quand même !!! Le toit de l’Europe… Juste magnifique !

Il est 17h, je suis au 99ième Km à Arnouvaz, j’en suis à plus de 23h de course et pointe à la 1623ième place. Le temps est en train de tourner, il y a beaucoup de vent, ça se couvre… L’organisation nous sommes de nous habiller !! Pantalon, 2nd et 3ième couche obligatoire sous peine de disqualification !! Personne ne quitte le ravito sans avoir été contrôlé ! Il faut dire que la météo n’était pas top, pas de pluie, mais un vent glacé qu’il fallait prendre au sérieux ! Au ravito, un jeune de l’organisation, bien sympa, me demande comment je vais. Pendant que je m’habille chaudement, on discute, on plaisante… je comprends très vite que c’est l’un des serre-fils de la course !! Je lui dis : « Putain, toi tu es l’ange de la mort, le briseur de rêves incarnés !! T’approches pas de moi !!! ». Avec ses petites lunettes rondes, il ressemblait à Harry Potter mais en vérité j’avais Voldemort en face de moi !! 😊 J’ai eu peur qu’il me sorte sa baguette et me suis alors enfui hors du chapiteau, en me disant qu’une fois la frontière Suisse franchie je serais en sécurité !!! 😊

Je quitte alors Arnouvaz et m’attaque à la terrible ascension du grand col Ferret, point final de cette aventure italienne. Quelques flocons gelés tombent du ciel, ça crépite sur ma veste. Ça ne durera pas bien longtemps ! Il me faudra 2h environ pour grimper le truc (700mD+ environ). Une super perf, je reprends 120 places au classement. Au sommet une personne de l’organisation, à l’accent très local, nous dit : « Bienvenu en Suisse !!» … Mince j’ai oublié mon passeport !!! 😊. Le froid là-haut était assez virulent, un ressenti de -10 !! Les gants et le bonnet n’étaient pas de trop !! La descente jusqu’à la Fouly était… comment dire ?!?  Interminaaaaable !! 10Km pour 1000mD- !! Le genou tient, mais les extenseurs des 2 chevilles sont en perditions !! Je n’arrive plus à dérouler correctement !! Les pieds ont gonflé, les lacets de mes Ultra 3 me cisaillent les nerfs et les tendons aux niveau des coups de pieds !! Une torture !! Je desserre complétement les chaussures… c’est compliqué de courir mais on fait avec !!

113Km, 6700mD+… j’arrives enfin à la Fouly à 21h pétante !! Je continue dans ma belle lancée en grapillant quelques places malgré les complications. Je retrouve Virginie qui me donnera l’assistance. Je m’alimente un instant et dort 10min entre 2 voitures et repars tranquillement. 10Km de descente m’attende à nouveau, c’est long c’est très long !! Nous sommes clairement entrés dans la 2ième nuit ! Je pense à Jérôme et me demande comment il va… j’espères qu’il avance encore et qu’il n’a pas abandonné. Le sommeil refait son apparition, je suis obligé de m’arrêter 10min pour dormir sur un brin de verdure juste avant d’attaquer le grand raidillon qui mène jusqu’à Champex ! La montée en soit n’est pas très longue… 400mD+ seulement, mais j’affiches quelques signes de fatigue, j’ai du mal à tenir le rythme que j’avais jusque-là et suis obligé de me coucher à 2 reprises (2x 10min) pour arriver au bout de cette bosselette !

J’arrives à Champex-Lac avec 1h et demi d’avance sur la barrière et récupère 110 places supplémentaires, ce qui me place à la 1365ième position. Virginie, au top de sa forme, ne fléchi pas, elle est là !! Fidèle au poste pour me donner l’assistance !! J’ai besoin de me reposer pour aborder au mieux le restant de la nuit. Je dors alors 20min au chaud sur un matelas de fortune et repart dans la pénombre aux alentours d’1h-1h30 du matin. En quittant, le ravitaillement, j’entends pleins de cris et vois débouler 2 tarés à contre sens !! C’est Jérôme et Céline !! Ils sont en feu !! « Au putain !! ça fait plaisir !! Il va mieux mon cousin !!!  A l’allure où il court, il a intérêt de sortir les aérofreins avant de débouler dans le ravito, sinon j’imagine même pas le carnage à l’intérieur !! On va voir des bancs et des tables voler après son passage !! » 😊 Le prochain tronçon est le plus long de la course… 17km !! A partir de là, je suis confiant !! Je l’ai étudié à l’avance !! Il me reste 3 « bosses », l’équivalent de 3 Sainte-Victoire… Easy !! Ça commence à sentir bon cette affaire !!! Erreur !! La montée de la Giète n’est pas si easy que ça dans les faits !! Je suis en difficulté… c’est hard !! Le sommeil me rattrape à nouveau !! J’ai un véritable souci de sommeil sur cette course, c’est stupéfiant !!! Bon ben on connait la musique, on doit mettre le jeu sur pause pendant 10min !! 😊

139ième Km/8154mD+, je suis au sommet vers 4h30 et bascule sur l’autre versant en direction de Trient avec 5Km de descente. La nuit est bientôt terminée !!! Quel dommage c’est si beau la Suisse de nuit !! (Il faudra malgré tout revenir histoire de voir à quoi ça ressemble de jour… 😊). Ma descente est correcte, mais assez douloureuse à cause de ces foutues cisaillements sur l’avant des pieds !! Je commence aussi à avoir du mal à m’alimenter !!  Course parfaitement géré jusque-là sur le plan de l’alimentation et de l’hydratation, je commence à sentir un petit moment de flottement et ça se ressens sur le plan énergétique !! j’avance moins bien, mais j’avances !!

J’arrive à Trient un peu cuit !! j’ai gagné une cinquantaine de places encore (1298ième). Je rentre dans le chapiteau et là, quelqu’un m’attrape le sac… C’est Jérôme !! Dans la continuité de tout à l’heure, il avance super bien et me récupère pile poil au ravito !! Les filles s’occupent de nous, nous chouchoutent. On se repose un peu et on repart ensemble !! Avant dernière difficulté, on décide de monter « tranquille » !! « Tranquille » tel était le mot employé par le cousin qui a donné la cadence sur la 1ère partie de l’ascension. Remontés comme 2 coucous suisses, on trace, on n’a pas de temps à perdre !! 😉 Du coup sur la seconde partie de la montée, c’est moi qui passe devant et mène l’assaut !! Je pousse bien sur les bâtons et reste régulier pour enfoncer un peu plus le clou à mon tour !! Résultat des courses, on s’est fait plaisir « tranquillement » en grimpant 700mD+ en presque 1h !! Tranquille quoi avec pas loin de 150 bornes et 36h de course dans les pattes… 2 fatigués sérieux !! 😊 Il est presque 8h, nous revoilà en France !! Sur le territoire national !! Cocoricoooo !! 😊 Une longue descente sur Vallorcine faite de nombreuses relances, on marche, on court !! En totale gestion de mes pépins physiques, on pourrait certainement aller plus vite, mais ça va on avance bien !!

Nous arrivons à Vallorcine avec panache !! Il est 9h du mat’ !! Nous sommes contents, nous avons fait le taf’ !! Nous avons un peu plus de 2h d’avance sur la barrière horaire, la situation est bien confort !! On est placé autour des 1200 au classement, nous avons parcours 154Km et un peu plus de 9000mD+. 154Km, ça y est j’ai dépassé ma plus longue distance jamais couru de 2km !! C’est top !! Les filles sont là, on profite, on est bien !! 20min d’arrêt et nous voilà repartis pour la toute dernière difficulté de cet UTMB de malade !! La dernière ascension jusqu’à la tête aux vents !! Nous repartons dans le froid jusqu’au col des Montets !! Le soleil n’est pas encore suffisamment haut dans le ciel !! Il se fait prier… nous avançons plus vite que lui et allons à sa rencontre ! Une fois au col, on se débâche, les 1er rayons sont chauds et agréables !! En quelque minutes, nous passons du froid qui te transperce à une chaleur suffocante !! Cette course est folle… 😊 L’ascension finale commence !!! Je me sens bien en jambes !! Avec cette chaleur, Jérôme a besoin d’un peu de repos, on se laisse le temps de monter gentiment. On est large, on s’est bien démené jusque-là, on a le temps !! On est content, on ose se le dire tout haut c’est bon c’est plié… On va être finisher de l’UTMB ! On relâche un peu la pression, on sait que c’est gagné… il reste encore une toute petite barrière horaire de rien du tout à la Flégère, mais nous sommes sereins !! Et puis… en quelques heures à peine, cette sérénité va être mis à mal !!  Un grand moment de stress va venir nous chambouler dans nos certitudes et nous plonger dans une confusion rocambolesque !! A l’origine de cela, une conversation anodine avec un coureur qui nous parles d’une barrière horaire intermédiaire vers 12h15. « Mais comment ça ? Qu’est-ce qu’il raconte celui-là ? il ne reste qu’une seule barrière horaire, celle de la Flégère !! Je le sais, j’ai étudié le truc avant de repartir de Vallorcine !!». Mais avec la fatigue, l’euphorie grandissante, nous perdons en lucidité et ne savons plus vraiment où nous situer dans le temps et dans l’espace. « Où est-elle cette barrière de 12h15 ? l’avons-nous déjà passé ? est-elle avant la Flégère ? après ? non ce n’est pas possible… la BH de la Flégère, c’est 14h45 !! Ah moins qu’elle soit à 14h30 !! je ne sais plus… ». Ça commence à m’angoisser fortement !! Dans ce genre de course, on perd la notion du temps et des distances parfois… la confusion la plus totale !! Impossible de se rassurer en regardant le profil de course sur le téléphone, ça ne capte pas !! La montre tourne, les doutes sont de plus en plus nombreux, nous ne sommes toujours pas au sommet !! Nous avons complétement perdu le fil… « Sommes-nous sortit bêtement de notre course par excès de confiance ? Dans l’euphorie, n’avons-nous pas baisser notre garde trop tôt ? N’avons-nous pas vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué ? Est-ce que l’on a bien fait de prendre notre temps ? ». C’est la panique dans ma tête !! On pense être au sommet à tête aux vents, mais notre tête… c’est dans la lune qu’elle est depuis un petit moment ! Ou plutôt en terrasse du côté de Chamonix !! Et ça, ce n’est pas bon !!! On a un sérieux moment de flottement et j’ai très peur qu’à ce stade, on ne soit déjà en train de le payer cash !! On ne se dit rien, l’ambiance est beaucoup moins festive, je mets un grand coup de pétard !! Il faut vraiment que l’on réagisse et vite !!! Il faut avancer coute que coute tant que l’on n’a pas atteint la Flégère !! Après pas mal d’efforts, on arrive enfin au sommet, 160Km/10000mD+, on perd 80 places !! Une personne à contre sens, nous annonce alors que la Flégère est 4Km plus bas et que la barrière est bien à l’heure que l’on pensait au début… à savoir 14h45 !! La personne a l’air fiable et rassurante. N’ayant pas vu le moindre point de contrôle entre le col des Montets et le sommet de tête aux vents, c’est bon c’est confirmé… on en déduit donc qu’il n’y a pas de BH intermédiaire !! « Pfffff quelle saloperie !! On respire mieux après une telle nouvelle !! Petit coup de pression inutile donc… ça va le faire !! ». Coup de pression pas si inutile que ça en fin de compte, car ça aura eu le mérite de nous obliger à nous remobiliser, à nous remettre sur les rails au niveau de l’état d’esprit car la course n’est pas encore terminée !! Jérôme a besoin de 10min pour souffler et dormir un peu !! Quelques photos du Mont-Blanc… il est magnifique !! On se cale chacun à l’ombre sous un rocher et dormons quelques instants pour repartir de plus belle sur les coups de 12h30 !! ça redescend, nous n’avons plus la tête aux vents, mais le vent en poupe et avons la ferme intention d’atteindre cette dernière barrière horaire de malheur le plus rapidement possible !! Le chemin que nous empruntons est saturé, de gros bouchons se forment avec la fatigue des uns et des autres, beaucoup de concurrents n’arrivent plus à courir. Nous de notre côté, on se conditionne pour courir, on double beaucoup, mais le terrain est assez délicat. Personnellement j’en peux plus de douleurs entre ce genou et ces extenseurs capricieux !! Je souffre !! Jérôme lui est à l’aise dans cette descente et maintenant c’est lui qui nous tire ! En contre-bas le refuge de la Flégère nous fait son apparition. On ne relâche pas nos efforts et grappillons une cinquantaine de places avant d’arriver au ravito.

 Il est 13h15, nous avons parcouru 165Km et en sommes à un peu moins de 44h de temps de course !! ça y est les sourires reviennent et la barrière horaire enfin acquise !! On se ravitaille et nous repartons pour 8Km de descente !! Le tout dernier tronçon avant l’arrivée !!! Nous dévalons ces sentiers boisés à toute vitesse ! Jérôme me laisse passer devant, il ne veut pas m’imposer un rythme trop inconfortable, car il a conscience de mes problèmes articulaires. A plusieurs reprises, il me dit : « Pas besoin de forcer, on peut finir en marchant !! ». C’est vrai que ça serait bête de se faire une entorse maintenant !!! 😊 La descente me fait du mal, mais je refuse de finir cette aventure extraordinaire en marchant… j’ai souffert depuis tellement de temps, depuis tellement de Km… je peux bien tenir encore quelques minutes !! Nous commençons à croiser énormément de monde à contre sens, on nous encourage, les gens ont les sourires, les gens sont sympas !! Allez Jérôme, Allez Benjamin !! Certains sont même plus sympa que d’autres !! « Bravo Benjiiiii !!! » 😊. On ne m’a jamais autant encouragé depuis que je m’appelle Benjamin !!! Il est donc là, le fameux pouvoir de la casquette bleue !! 😊. La fin de la course est proche, j’ai une petite pensée pour « Benjamin » justement, la vraie casquette bleue, sans qui rien de tout ça aurait pu se faire… Je suis content d’être ici, son dossard 1342 va faire la boucle !! C’était le moins que je puisse faire, car il aurait évidemment voulu le courir son UTMB !! Je me devais d’aller au bout pour moi évidemment… mais aussi pour lui, car ma place de finisher lui permettra d’empocher 6pts ITRA !! Ce qui lui permettra de se réinscrire l’an prochain !! Il m’avait demandé de les lui ramener !! Je suis fier d’avoir tenu cet engagement vis-à-vis de lui… je lui devais bien ça !! ça sent la fin, Chamonix en contre-bas se rapproche de plus en plus… c’est fou quand j’y repense, j’ai fait le tour du Mont-Blanc !! c’est un truc de dingue !! Quelle aventure !! Quelle épopée !! Toutes ces personnes venues des 4 coins du planisphère pour vivre ces 3 jours uniques ! C’est fantastique !! Il y a qu’à l’UTMB que l’on voit ça !!

L’euphorie commence à nous envahir la tête tout entière… quelques mètres de chemins encore et puis… le bitume !! Nous savons exactement où nous retombons !! Nous y sommes passé il y a 2 jours en arrière !! Nous grimpons sur cette grande passerelle métallique qui enjambe la route !! « On l’a fait ! On l’a fait !! » chantonne Jérôme. On est heureux, tellement content qu’on se met à accélérer sans même s’en rendre compte !! On va finir en sprint tout à l’heure… 😊. Nous courons le long de l’Arve, le public nous félicite… au bout de la grande ligne droite, 2 silhouettes nous attendent tel un relais du 4x 100 mètres haies !! Nous les reconnaissons au loin… ce sont Céline et Virginie dans les starting block, prêtent à nous suivre dans les derniers mètres ! J’embrasses Virginie, elle est possédée, en état de transe !! Cet UTMB c’est aussi le sien !! Elle n’a pas arrêté de me suivre tout au long du parcours de jour comme de nuit !! Une course dans la course, celles des filles qui nous suivi et accompagnée pour nous faire l’assistance !! Il y a eu l’UTMB des 2 cousins et l’UTMB des 2 cousines !!! Beaux moments de partages, d’émotions, de suspense… elles nous ont encouragés, soutenu du début à la fin !! Cela ne se limite de toute façon pas qu’à cette course si chère à nos cœurs me direz-vous… c’est ce qu’elles font au quotidien depuis toujours… mais c’est quand même énorme !! On se devait d’aller au bout pour elles également, car elles ont donné, beaucoup donné !! On a de la chance de les avoir dans nos vies !! Nous partons tous les 4 dans ce long couloir bruyant et chaleureux. La foule est en ébullition…c’est incroyable !!  J’ai une sensation de bien-être intense, de plénitude… la sensation de voler !! Poussé par les cris et les applaudissements !!! C’est tellement impressionnant, tellement surréaliste… il est donc là cet instant si espéré… ce petit bout de rêve si désiré depuis tant d’année !!  Je n’arrive pas à en croire mes yeux, cette arche bleue de l’UTMB devant moi… Je l’ai passé tellement de fois dans mes rêves !! Elle est là ! si belle, si grande… Je vais la passer pour de vrai !! L’émotion est très très forte intérieurement, unique, sensationnelle… je ne comprends plus ce qu’il m’arrive… on se regarde avec Jérôme, le bonheur intense se lit dans nos regards, sur nos sourires… quel bonheur de vivre ça avec lui !! On s’attrape chaleureusement par l’épaule tout en conservant notre foulée, nous sommes prêts, prêts à la passer ensemble… Nous l’avons tant mérité !!! l’instant fatidique est là !!! FINISHER !!! FINISHER de l’UTMB !!!! c’est incroyable !!! Je viens de réaliser le rêve de ma vie !!! Je suis tellement heureux !! c’est indescriptible !!! Aucun mot ne peut décrire ce que je ressens… je suis au 7ième ciel !! Au-dessus de la stratosphère !!  Je suis en extase !!  En lévitation !! En symbiose… Je suis en manque de suuucre !!! 😊. C’est sensationnel !! Ce n’est pas possible ce qu’il m’arrive !! Finisher de l’UTMB !!! Le plus mythique des ultra trail au monde !!! Le temps s’arrête autour de moi... dans mon élan, je lève les yeux au ciel en passant cette ligne d’arrivée… sous cette arche gigantesque… les 4 lettres de légende écrites en grand, sont là pour nous reconnecter avec la réalité… U.T.M.B !! Je contemple le dessous de cette arche comme si c’était le plafond de la chapelle Sixtine !! A se demander si ce n ‘est pas Michel Ange qui les a peintes ces 4 lettres tout là-haut !! C’est pour de vrai, je viens de décrocher le Saint-Graal !!! Une pensée pour mes enfants, j’aurais tant aimé qu’elles voient ça de leurs yeux !! J’attrape Virginie et la serre contre moi, on commence à se pleurer dans les bras… quel beau moment !! Le bonheur absolu… 172Km/10000mD+ en 44:57:28 pour faire le tour de ce sublimissime Mont-Blanc. Je termine à la 1199ième place au classement avec une vitesse moyenne de 4Km/h !! On est loin de la course parfaite… mais qu’importe !!! Je suis sur mon petit nuage tout blanc… tout là-haut… au-dessus du Mont-Blanc !!

Quand j’ai commencé le trail, j’avais ce petit rêve fou, logé dans un coin de ma tête… jamais je n’aurais pu imaginer que seulement 5 années plus tard, ce rêve deviendrait un jour réalité… il y avait trop de chemin, trop d’étapes à franchir, trop d’embuches, trop d’efforts à fournir pour espérer décrocher un jour cette fameuse veste finisher de l’UTMB !! Passer d’une dizaine de km à peine à 170…ça demande énormément d’abnégation, de volonté, de sacrifices… il a fallu en faire du chemin pour grandir et se donner le droit d’y croire un peu plus !! Ce rêve, ce pari fou, cet objectif… être finisher de l’UTMB avant mes 40 ans… il a fallu y croire sur la durée !! Ce rêve si osé, m’a fait évoluer dans ma vie… en tant qu’homme ! Il m’a nourri, il m’a permis de me découvrir de l’intérieur, de réaliser mon introspection à plusieurs reprises !! J’ai appris à me construire autour de cette envie, au fil des grandes étapes que j’ai parcouru… On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs !! J’ai appris le goût de l’effort, le dépassement de soi et tout ce que cela implique !!! Cet UTMB m’a donné du fil à retordre sur le plan physique et mentale comme aucune autre course auparavant… ça n’a pas était la plus dure techniquement mais certainement la plus éprouvante !! Elle m’a fait douter, m’a mis à l’épreuve… et m’a renforcé dans l’idée qu’il faut croire en ses rêves jusqu’au bout, jusqu’à la fin, quoiqu’il advienne, encore et toujours…jusqu’à la dernière seconde !!! Il faut toujours croire en ses rêves les plus fous !!! J’avais ce rêve d’UTMB… je visais haut, très haut à l’époque !! Mais cette célèbre citation d’Oscar Wilde, si inspirante à mes yeux, ne disait-elle pas ? : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ». Ma lune à moi… c’était l’UTMB ! Je suis fier, si heureux de l’avoir décroché aujourd’hui… c’est un véritable aboutissement !! C’était mon rêve ! Un rêve de toujours, un rêve de traileur… un rêve devenu réalité…

Mais alors maintenant que me reste-t-il ? Au moment où j’écris ces quelques lignes… un peu de nostalgie, le sentiment de ne pas en avoir suffisamment profité et une décharge émotionnelle qui a encore du mal à aller au bout de son terme … mais aussi cette sublime chanson de Vangelis qui resonne sans cesse dans ma tête et qui me fait littéralement fondre en larmes à chaque fois je la réécoute… dans sa mélodie, elle embarque avec elle, tant de souvenirs, tant d’émotions… Je crois que tout ça est trop pour un seul homme !! Je suis allé loin, si loin, si haut pour atteindre ce que je cherchais… Il me reste tant de belles courses à découvrir et à ajouter à mon palmarès !! Tant de nouveaux rêves à reconstruire !! L’heure est au questionnement… de nouvelles idées, de nouvelles envies, de nouvelles aspirations commencent à fleurir dans ma tête !! L’une d’elle se dégage en priorité parmi tant d’autres… quelle est-elle-me direz-vous ?!?  Vous le saurez dans 5 ans si tout va bien !! 😊 … L’UTMB était mon rêve ultime, mon rêve absolu… je suis allé au bout de ce rêve, mais cela ne change rien aujourd’hui !! Il a été, il est et il sera toujours un rêve qui se suffit à lui-même !! Quand je ferme les yeux et que je laisse mon esprit s’évader… je le vois devant moi !! Ce Mont-Blanc resplendissant !! Et me pose à chaque fois la même question… Quand vais pouvoir y retourner ?

                                                                                                                                              Nicolas JULLIEN

 

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