Après une SaintéLyon réussie au mois de décembre dernier, je m’élance le 25 mai 2019 sur la célèbre Salomon Gore-Tex MaXi-Race d’ Annecy format Ultra.
Cette course exceptionnelle communément nommée l’Ultra Race est un ultra trail de renommée mondiale qui a vu passer de nombreux champions comme François d’Haene, Caroline Chaverot ou encore Mimmi Kotka lors des éditions précédentes.
L’Ultra Race, c’est un parcours technique est engagé de 115km autour du lac d’Annecy par les montagnes cumulant près de 7000m de dénivelé positif.
Celle-ci rapporte 5 nouveaux points ITRA en vue d’une qualification pour l’UTMB.
Après 3 mois d’une longue et sérieuse préparation où rien n’a été laissé au hasard, me voilà déjà en gare d’Annecy… le ciel est couvert, il est 11h30, c’est le jour J !!
Il ne s’est pas passé un jour pendant ces 3 mois sans que je penses à cet instant… aujourd’hui je vais courir mon 1er ultra !! Je suis prêt, je suis serein, débordant d’adrénaline et bien en phase avec mon objectif… je ne sais pas ce qui va m’attendre sur le parcours, mais je sais que pour être à la hauteur de l’événement, il va falloir dépasser ses propres limites et aller au bout de soi-même. Je n’ai pas l’expérience de ce type de distances, mais je connais ma force… je suis prêt et il me tarde d’être à minuit pour prendre le départ.
L’après-midi se passe lentement entre tourisme dans la ville et récupération du dossard à l’expo village MaXi-Race sur la plage d’Albigny. Il y a beaucoup de monde, ça pue le trail !! 9000 participants répartis sur 12 courses qui déambulent entre les stands, c’est la folie… je m’isole un peu, fais une petite sieste au bord de l’eau, prépares mon drop bag… le village se vide petit à petit, les coureurs de l’ultra race sont tous partis se reposer avant d’aborder ce terrible périple. Je mange une bonne ration de riz accompagnée d’une belle tranche de dinde sur les coups de 19h, m’habille, vérifie mon sac une dernière fois et rentre dans mon sac de couchage pour un petit dodo à la belle étoile (Peu réparateur compte tenu du stress et de l’excitation grimpante..).
Réveil à 23h00, ça s’anime dans les rues, il y a du monde, l’ambiance est festive… la ville vit au rythme de la MaXi-Race !! C’est bon !! C’est très bon même !!!
23h30, j’entre dans le sas de départ… paradoxalement, ici tout est calme, nous sommes dans le noir total et le silence est maître… des visages fermés, on peut y voir de la concentration et de l’anxiété à la fois. Je regarde autour de moi, j’observe, j’écoute ce que les gens se disent pour récupérer d’éventuelles informations qui pourraient m’être utiles sur le parcours. Celles-ci pouvant peut-être compenser mon manque d’expérience sur ce genre de format… malgré tout je reste assez calme, j’ai bien travaillé à l’entrainement, alors advienne que pourra..
Minuit, le moment tant attendu !! Le compte à rebours au micro, l’arche de départ qui s’illumine, du bruit et d’énormes fumigènes qui s’embrasent !! C’est un véritable spectacle qui commence !! Un concert de Rock… Nico on fire !!! (..il ne manquait plus que la patrouille de France et on était au top !!). L’ambiance est énorme dans les rues et sur le bord du lac… 2,5km de haies d’honneurs pour les coureurs sous les applaudissements, les encouragements et les coups de klaxon… du délire !!
Première difficulté, l’ascension du Semnoz avec ses 1400mD+ en 15 km !! Les choses sérieuses commencent donc très vite… je me sent bien en jambes, défi dans le défi, je décide de le grimper sans les bâtons. Ascension propre à rythme « ultra », je gère bien mon effort, le cardio reste bas. Objectif rester entre 140 et 150 bpm afin de ne pas cramer trop d’énergie d’entrée. Au sommet du Semnoz, le vent, le froid et un chemin bordé de torches et de flambeaux… En empruntant ce chemin, j’ai l’impression de me rendre au conseil de Koh-Lanta pour voter une élimination (Mais où est Denis Brogniart ?)… En réalité ce chemin de feu s’arrêtait au 1er ravitaillement au 18ième km. Dans la tente, énormément de choses à disposition… je vois un monticule de personnes autour des soupes. Il fait froid et j’entends mes compères dire tous à tour de rôle : « ça fait du bien, ça réchauffe !! ». Assez réticent à l’idée de manger la bonne soupette en temps normal, je me dis alors que cette course n’est pas un trail « normal » et que je devrais peut-être casser certaines habitudes sur de tels formats… si tout le monde en prend c’est que ça ne doit pas être mauvais pour moi non plus !! J’ai donc pris la soupe à mon tour… je sent encore sa chaleur et sa texture fibreuse !!
… 2km plus loin, j’ai compris que ce choix me serait préjudiciable pour la suite… des troubles intestinaux faisaient leur apparition… Ça y est c’est Apollo 13 !!!
Au kilomètre 22, une fatigue énorme m’envahit tout le corps, j’ai sommeil, le ventre en vrac et ne peut plus avancer. Cette descente du Semnoz devient alors cauchemardesque. Je me couche au sol dans ce sous bois descendant et ne peux rien faire d’autre que de regarder mes concurrents me passer les uns après les autres (ceux qui avaient tant apprécié cette maudite soupe !!). Je suis mal...je m’endors avant même de comprendre ce qu’il se passe… la scène est violente et inquiétante !! Je reste comme ça en croix pendant 10min environ… je me réveille et tente de rassurer quelques concurrents qui se sont arrêtés pour me venir en aide. De nature accrocheuse, je cherche des solutions dans ma tête pour reprendre le dessus… mais je n’en ai pas !! Il reste un peu moins de 100km.. Impossible de les faire ainsi, c’est certain... Impossible non plus que je monte à Annecy de Fuveau pour faire cette MaXi-Merde sur ce chemin au beau milieu des bois !! Dans ce genre de situation, je crois qu’il faut faire un choix. Celui de la prudence et de la raison ou l’autre…
..Ce choix là ne s’est même pas posé à moi, car lorsque je suis programmé pour quelque chose, la raison ne tient plus sa place… y a jamais de compromis avec mes envies profondes… même au fond du trou, de nuit, le cul dans le feuillage humide… y a pas de compromis !! L’envie d’atteindre mon objectif est plus forte que tout !! Je sais ce que je veux et pourquoi je fais tout ça… donc je sais que je n’abandonnerais pas et que je ne laisserais personnes de l’organisation me prendre mon dossard… je suis programmé pour aller au bout !! Je le sais !! Je tente alors de me relever. Une tentative qui se solde par un échec sanglant… c’est alors que mon subconscient a repris les commandes dans cette situation de crise qui avait trop durée !! Ouverture des vannes… Lâchez la soupe !!! Suite à ça en une fraction de secondes, j’avais l’œil vif et toute ma fatigue avait disparue comme par magie !!
1min plus tard, j’étais reparti comme si de rien était, j’étais libéré mais pas délivré de mes douleurs au ventre et de mes nausées… conscient que tout n’était pas parfait et que je revenais de loin, mon attention était focalisée plus que sur une chose… la gestion de mon alimentation pour reprendre le contrôle de mon appareil digestif !!
Du 20ième au 42ième km, j’avais droit à rien, ni liquides, ni solides… c’était le prix à payer pour revenir bien par la suite. Ma position au classement en avait pris un sérieux coup, mais qu’importe au fond…
Le jour se lève après une nuit difficile où j’ai été contraint de m’arrêter 1 ou 2 fois pour dormir 10min. Le soleil est là, une nouvelle course commence pour moi, je trouve enfin l’équilibre Hydratation/Alimentation (Eau/Compote en très petite quantité tous les quarts d’heures)… j’avais enfin résolu l’équation !! Mon corps retrouve de l’énergie, la roue tourne enfin, mais je viens de m’apercevoir que j’ai perdu ma frontale sur le parcours quelques minutes après l’avoir éteinte (j’ai une seconde lampe dans le drop bag qui me permettra de finir la course, mais ça fait chier !!). En 8 km de montée, je reprends pas loin de 100 places au classement. Conscient de ce renouveau, j’ai envie de me faire plaisir… je me sens très bien, je double encore et encore. J’ai la sensation d’avoir le couteau entre les dents (…pas le petit couteau Suisse de Jean-Pierre, mais plutôt le couteau de chasse de Crocodile Dundee, voir même la machette de Mike Horn !!). Je me surprends d’avoir tant de ressources après ce que j’ai enduré quelques heures auparavant… malgré la fatigue, le plaisir ne me lâche plus du 36ième au 76ième km, je passe de la 722ième place à la 543ième éloignant derrière moi un peu plus le danger des barrières horaires. Ça répond en montée, ça répond en descente… je me régale !!
Ravitaillement de Giez (Km 76), je fais une halte de 30min (10 min de ravitaillement, 10 min de sommeil, 10 min de changement de chaussettes et de matériel grâce au drop bag que j’avais préparé). Je lis et réponds vite fait à quelques messages d’encouragements et repars pour les 39 derniers km avec « 2 grosses bosses » avant l’arrivée. Je prends une cinquantaine de place dans la difficile ascension du pas de l’Aulps. Un orage monstrueux vient casser la montagne, la rendant boueuse et glissante… les 6km de descente vers le dernier ravitaillement de Villard Dessus se font prudemment mais surement à bon rythme. Je suis 476ième, il reste 17km, la nuit tombe. J’allume ma lampe de substitution (Je vois rien, lampe pourrie, à la bougie ça serait pareil !!!)… Je comprends que la fin de course sera complexe, la pluie a rendue le terrain très difficile et ma visibilité est très réduite.
Au 100ième km commence la dernière ascension de 850 mD+ (presque 2x la montée de la vigie !! lol)… les jambes vont bien, des douleurs articulaires se font sentir de plus en plus, aux niveaux des chevilles surtout, mais musculairement ça va. Après quelques glissades et un vol plané dans la boue, je décide de gérer et de ne pas prendre de risques inutiles avec ma cheville déjà très fragile… elle me fait de plus en plus souffrir. Le retour des nausées a refait surface juste avant le col des contrebandiers… obligé de me coucher à nouveau au sol pour revivre les joies de mon 20ième km (En moins pire). Il me reste 10km a peu près et très peu de choses à vomir, alors on se releve très vite et on suit un groupe de gars très motivés.
Arrivé au sommet, une vue plongeante sur le lac et Annecy en lumière… une image magnifique qui restera dans ma mémoire. Une impression de voyager de nuit dans un long courrier à observer la ville illuminée à travers le hublot… juste magique !! Tu prends alors conscience que c’est bientôt fini, il reste 8km de descente, malgré la fatigue, malgré le manque de luminosité, tu te dis que tu ne peux pas ne pas envoyer tout ce qu’il te reste… tu as envies de finir avec panache pour ne rien avoir à regretter !! J’ai donc amorcé une belle descente sur 2km, puis calmé immédiatement mes ardeurs après une petite frayeur. Grosse torsion de la cheville sur un terrain bien trop glissant… on calme le jeu !! Je descends alors prudemment en marchant jusqu’au bitume, une descente interminable…
Je relance alors dans ce dernier kilomètre et m’engouffre dans le couloir d’arrivée. Une trentaine de personnes sont là pour partager avec moi ces derniers mètres d’un long et difficile périple. Ils m’encouragent, me félicitent !! J’y suis !!! Me voilà devant la cloche… je mets toute ma force pour la taper !! Elle retentie !! C’est fait !!! Je termine cette superbe Ultra Race en 25h56min à la 481ième place (930 partants, 291 abandons).
Content des efforts déployés et d’avoir su m’adapter dans la difficulté ! Une aventure unique, un 1er Ultra qui m’aura réservé son lot de surprises… des complications digestives dès le 20ième km, jusqu’à la perte de ma frontale ou encore la morsure d’un tique derrière le bras (Découvert à mon retour sur Fuveau)… je suis allé au bout de moi-même… cette expérience m’a énormément enrichi dans ma pratique du trail, mais aussi sur le plan personnel. Ces nombreux paysages verdoyants et enneigés, ces vues splendides sur ce lac magnifique resteront dans mon esprit. C’était certainement l’épreuve la plus difficile que j’ai faîtes jusque là… Une aventure qui m’a poussé dans mes retranchements les plus profonds. A travers cette course, j’ai découvert ce que c’était qu’un ultra trail, une belle expérience où il faut savoir anticiper et s’adapter à l’imprévu, où il faut rester solide en toutes circonstances et ne jamais douter de soi !!
Merci à tous ceux qui m’ont encouragé, suivi, accompagné lors de cet événement.
A quand ma prochaine échappée de ce genre ?!? ça sera au mois d’août sur l’Echappée Belle (144km/11000mD+) dans le superbe et sauvage massif de Belledonne pour en encore plus de plaisir !!!
Nicolas Jullien
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